La place de l’automobile à Paris, c’est celle de la Concorde !

Le 14 novembre 2023, Mme Anne Hidalgo a annoncé l’organisation d’une « votation citoyenne » portant sur la place des « SUV » dans la capitale. Cette question agite le débat public local depuis de nombreuses années. Elle a déjà fait l’objet de multiples vœux, sans aucune délibération du Conseil de Paris ayant un caractère réglementaire.

Assimilés à tort aux 4x4, les « Sport Utility Vehicles » incarnent la « grosse » voiture, symbole - sinon caricature -  de tous les excès, et donc forcément présumés coupables. Insupportables pour certains, plébiscités par les autres, ils correspondent à une tendance de fond du marché mondial, jusqu’à représenter la moitié des immatriculations en Europe en 2023. Le « poids » de ces carrosseries dans les ventes entraîne d’autant plus d’amalgames et de confusions que leur définition, dopée par le marketing, est polyvalente. Cette domination dérange, en prêtant parfois à une hystérisation proportionnelle au manque de discernement de leur contestation. Pourtant, le 15 janvier dernier, la Ville de Paris elle-même publiait sur son propre site Internet un bilan de la qualité de l’air qui confirme son amélioration constante de 1990.

Il est vrai qu’une critique constructive doit interroger la responsabilité de la filière et de la puissance publique. L’une et l’autre étant résolument engagées dans une stratégie de décarbonation, leur défi commun est de repenser de manière cohérente des produits et des réglementations adaptés aux défis contemporains - pourvu qu’ils concordent avec les attentes du client final !

Vouloir définir une politique de mobilité durable en y associant les citoyens est légitime. Encore faut-il sortir des postures clivantes en posant correctement la question, en éclairant objectivement le débat, et en choisissant les procédures démocratiques adéquates. À défaut, cette consultation fixée au 4 février révèlera sa nature profonde : une campagne de communication grossièrement anti-voiture au service d’intérêts peu soucieux de laisser la discorde prendre toute la place. Or, l’essentiel est d’avancer en cherchant des solutions capables de rassembler.

Combien de voitures « lourdes », c’est-à-dire, au sens de la Mairie de Paris, d’un poids supérieur à 1,6 t. pour les essences, diesels et hybrides, et supérieures à 2 t. pour les électriques ?... 900.000, soit 15 % du parc automobile francilien. Ce n’est pas rien, le râteau est large ! Et demain ? Au-delà de mensurations brocardées - de poids, de taille, de hauteur, de largeur - ces SUV, qui ont succédé aux anciennes monospaces, sont recherchés pour leur confort et leur sécurité de conduite par les familles, mais aussi par une clientèle sénior, et souvent féminine.

Objets fantasmés, ce sont en réalité les voitures de Mr et Mme Toutlemonde, qui seront priés de payer trois plus cher le droit de stationner. Une taxe de luxe.

Dans un capharnaüm de polémiques liées au périphérique, aux « ZFE », aux vignettes « crit’Air » ou à la piétonisation de la place de la Concorde, la Ville a procédé à des communications éparses ayant trait à l’organisation de cette consultation ; or leur sens doit s’interpréter au regard de leur portée, rendant à la fois leur intelligibilité discutable et leur légalité contestable. La manière dont le débat public a été appauvri et les procédures ont été contournées pose de sérieuses questions quant à notre démocratie local. La démagogie semble, hélas, y peser plus lourd que la pédagogie.

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Le 15 décembre, le règlement de la votation a été précisé, en y ajoutant la faculté de poser des questions d’intérêt local, d’ailleurs utilisée, pour ce scrutin, par cinq arrondissements. Il s’agit d’un dispositif assez protéiforme, auquel la Mairie a annoncé vouloir désormais recourir une fois par an. Dont acte. L’essentiel de cette communication porte sur le fondement juridique : le scrutin est régi par les articles L.1111-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et L.131-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

Il ressort de la combinaison de ces dispositions que la Maire de Paris a choisi de recourir à la procédure dite de « consultation facultative » de l’article L.131-1 du CRPA.

Ses conditions de mise en œuvre et sa portée sont en effet moins contraignantes que les procédures de « référendum local » ou de celles de la « consultation locale des électeurs » prévues par le CGCT.Le même fondement juridique avait été utilisé pour la votation relative aux trottinettes en libre-service de 2023, avec un taux de participation à moins de 8 % et les résultats que l’on connaît.

Si cette procédure ne comporte théoriquement pas de portée décisionnelle intrinsèque, les communications de la Ville ont, sans la moindre ambiguïté, fait état de l’effet inverse. Le 14 novembre, Mme Anne Hidalgo a affirmé : « le 4 février, c’est vous qui déciderez ». M. David Belliard, adjoint au maire aux Transports, a abondé dans le même sens à partir du compte officiel de la Ville.

Courant décembre, une campagne a été affichée dans tout Paris avec une question symptomatique de la vision simplificatrice des enjeux : « Plus ou moins de SUV ? À vous de choisir ! » - titre également du site internet dédié à la votation. Le 9 décembre, la question finalement retenue est publiée en des termes particulièrement tendancieux : « Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ? »…

Ce n’est plus vraiment la même question du départ… ni la même portée, incompatible avec la procédure de « consultation facultative ». En réalité, cette votation doit être regardée et requalifiée comme constitutive d’un référendum local. Et ce dernier relève d’un tout autre fondement juridique.

Considérant le stationnement comme constitutif de la liberté d’aller et venir, MOBILIANS et la Ligue de Défense des Conducteurs avaient formé le 15 janvier un recours gracieux tout en adressant une demande de « déféré-provoqué » à l’attention du Préfet de Police de Paris. Une requête en référé-suspension devant le Tribunal Administratif de Paris avait également été déposée en urgence.

La Présidente de la 2ème section a rendu une ordonnance le 26 janvier, en se plaçant sur le terrain du défaut d’intérêt à agir, ce qui lui permettait, au stade du référé, de ne pas examiner le fond du litige. Toutefois, la motivation du juge des référés rappelle que « lorsqu’une autorité administrative organise (…) une telle consultation, elle doit y procéder dans des conditions régulières ».

D’autres procédures sont en cours dont l’issue ne sera connue qu’ultérieurement.

L’objectif de ces différentes requêtes était de tenter d’obtenir, en amont du scrutin du 4 février, l’annulation de la votation et sa requalification pour qu’un véritable référendum local, à portée décisionnelle, soit organisé sur la question de manière régulière.

En effet, elle comporte des illégalités nombreuses rendant le scrutin à venir irrégulier au regard :

  • de l’incompétence de l’auteur de l’acte et de l’erreur de droit quant au choix de la procédure de votation, la Maire ne pouvant déléguer aux Parisiens cette décision sans que le Conseil de Paris ne l’autorise ;

  • de l’insincérité du scrutin, compte tenu de la communication institutionnelle mise en œuvre qui biaise le discours par rapport à la question dont sont saisis les électeurs ;

  • du détournement de la procédure choisie en ne recourant pas à celles légalement prévues.

Sur l’incompétence de l’auteur de l’acte

Pour rappel, la Mairie a décidé de recourir à cette votation sans une délibération préalable du Conseil de Paris en ce sens. Or, compte tenu du caractère décisoire de la votation, incompatible avec la procédure de « consultation facultative », la votation doit être requalifiée en référendum local, ce qui suppose une délibération du Conseil de Paris pour l’organiser.

Par ailleurs, la création d’un tarif spécifique de stationnement - une multiplication par trois ! -  diffère d’une simple modification ou réévaluation des tarifs actuels, ce qui relève donc, en principe, d’une compétence obligatoire du Conseil de Paris en la forme délibérative.

Les décisions de recourir à la votation du 4 février sont par conséquent entachées d’incompétence.

Sur l’erreur de droit

La « consultation facultative » se distingue de procédures, plus contraignantes, prévues au CGCT.

  • La « consultation locale des électeurs » comporte davantage de formalités ; pour autant, l’administration n’est nullement tenue quant à ses choix ultérieurs.

  • Le « référendum local », dont le projet d’acte est adopté sous deux conditions cumulatives : la moitié au moins des électeurs inscrits a participé au scrutin, et la moitié des suffrages exprimés accepte la proposition. Il s’agit d’une procédure à finalité décisoire par laquelle l’administration procède à un transfert de sa compétence au profit des électeurs sans commettre une incompétence qui serait alors constituée.

Autrement dit, une consultation facultative qui s’avère disposer, au regard de sa portée réelle, d’un caractère décisoire, encourt une requalification en référendum local puisqu’elle revient à en contourner les conditions procédurales. C’est le sens d’un jugement du Tribunal Administratif de Grenoble en 2018, confirmé par un arrêt de 2020 de la Cour Administrative d’Appel de Lyon.

En annonçant explicitement un transfert de compétence au profit des électeurs et en s’engageant à suivre le résultat, la Maire a donc, d’elle-même, requalifié la votation en référendum local.

Sur l’insincérité du scrutin

Dans un arrêt de 2017, le Conseil d’État a rappelé que l’autorité administrative qui a recours à la consultation facultative doit mettre à la disposition « des personnes concernées » une information « claire et suffisante » pour ne pas altérer la sincérité du scrutin. Doivent ainsi être assurées l'égalité et l'impartialité nécessaires à l’expression de la liberté des orientations, avis ou propositions.

Concrètement :

  • Le public ne doit pas avoir été « défini » de manière à entraîner un résultat qui serait acquis d’avance ou faussé. Doit être regardée comme insincère une procédure pour laquelle le public consulté a été défini de telle sorte que son résultat est à coup sûr déjà acquis, parce qu’il ne peut, compte tenu de cette définition, qu’approuver le projet qui lui est soumis ;

  • La consultation du public doit être organisée afin de parvenir à un résultat de nature à éclairer l’autorité administrative, sans qu’une partie du public consulté, voire des personnes extérieures à celui-ci, puissent biaiser ce résultat par des avis à répétition, ni que l’autorité administrative puisse elle-même l’influencer dans un sens conforme à ses attentes.

Un premier fait saute aux yeux : si la Ville a décidé de limiter la consultation aux Parisiens inscrits sur les listes électorales, seuls seraient concernés par l’augmentation tarifaire les visiteurs détenteurs d'un SUV dépassant les seuils de poids, à l’exception des « résidents parisiens ».

Relevons avec l’INSEE que le taux d’équipement des ménages en véhicules est de 33 % pour Paris contre le double en petite couronne. Il existe donc une dichotomie entre le champ d’application, les usagers, et le public consulté, les votants. Autrement dit, la Ville a méconnu volontairement les dispositions du code des relations entre le public et l’administration, qui vise bien « les personnes concernées » par la mesure envisagée. Cet artifice assure un résultat acquis d’avance par / pour un public autre que celui impacté.

D’ailleurs, selon un sondage réalisé le 17 janvier par OpinionWay pour l’association Respire et abondamment médiatisé par les promoteurs du scrutin, 61% des Parisiens interrogés - dont seuls 13 % possèdent un SUV - approuveraient le projet. Ainsi, la formulation de la question, matraquée par une communication intensive, place la Ville dans une position a priori d’autant plus confortable que les éléments de contradiction sont soit quasiment absents du débat soit présumés d’intelligence avec les ennemis de la transition écologique. C’est un peu réducteur, ou trop léger…

Remarquons, dans ce sondage, des informations qui ont été moins commentées. Les personnes interrogées, dont une très faible part se déclare prête à se déplacer pour voter, ne réclament pas forcément une réduction de la place de la voiture : ainsi, si 32 % souhaiteraient des restrictions de circulation, la même proportion estime nécessaire de la faciliter. Le ressenti général ? La crainte qu’une telle réglementation n’en préfigure d’autres, plus radicales, y compris pour les résidents…

Alors, « Pour ou contre des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ? »… La question, à charge, est posée en des termes aussi imprécis que manichéens, selon des données à sens unique exclusivement fondées sur un rapport de l’ONG World Wildlife Fund (WWF. Elle-même se réfère à des données américaines de plus de 10 ans, et non transposables à la réalité du marché français.

Le choix des qualificatifs employés procède, à l’évidence, à une présentation préjudiciable et faussée.

Plus explicitement encore, l’expression « voitures individuelles » est particulièrement ambigüe, laissant transparaître un rapport problématique avec la notion de propriété privée. Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler qu’un véhicule peut, par nature, être utilisé seul ou à plusieurs... Or, il ressort du site internet de la Ville que les visiteurs détenteurs d’un SUV seraient concernés, indépendamment du fait qu’ils se soient déplacés ou non en covoiturage.

Chacun appréciera la philosophie et sa cohérence globale, comme celle de la disposition qui concerne cette fois les résidents parisiens eux-mêmes. Détenteurs d’un SUV, ils seront également soumis aux nouveaux tarifs de stationnement dès lors qu’ils circuleront hors de leur zone de résidence.

Par ailleurs, la Ville a communiqué des informations erronées concernant la définition des SUV.

Or, en droit, le « SUV » est introuvable. Il s’agit en réalité d’une catégorie commerciale qui s’inscrit dans les « véhicules particuliers » au sens de la réglementation routière. Compte tenu de la difficulté à faire rentrer une « silhouette », développée dans tous les segments du marché, dans un texte, la Mairie entend ainsi créer une définition par défaut en la basant sur une notion de poids.

En la fixant aujourd’hui à partir de 1,6 t., son argumentation s’appuie sur trois critères, tirés de la masse du véhicule, de l’encombrement et de l’accidentologie. Or, tant les données techniques que la présentation sont contestables, voire contredites par d’autres publications de la Mairie.

Et s’il n’est pas interdit de placer des usagers se trouvant dans une situation différente dans une tarification différenciée, encore faut-il, outre le respect des règles du droit public, que les typologies ainsi créées soient rationnelles.

Le poids d’un véhicule particulier est réglementairement inférieur à 3,5 t.; au cas présent, nulle limite de taille, de hauteur ou de masse n’est prévue, ce qui induit une catégorie tarifaire imprécise de nature à faire obstacle au principe d’égalité et à l’intelligibilité de la norme.

Rappelons ici l’oubli caractéristique de la Mairie, qui ne s’embarrasse pas de contradictions : l’élévation des masses moyennes des véhicules résulte de réglementations imposant certains dispositifs, dont sont particulièrement équipés les SUV, dans les domaines de la sécurité et de l’environnement. Quoi qu’il en soit, retenons qu’il n’appartient pas à une collectivité territoriale de porter atteinte aux principes d’application uniforme du droit européen ou de primauté de celui-ci.

Concernant la surface au sol, chacun sortira ses instruments de mesure, mais l’empreinte au m2 des modèles de SUV qui se vendent le plus… est plus faible que celle des monospaces d’hier…

En termes d’intelligibilité, la confusion s’aggrave avec les données de AAA Data : sur les 900.000 véhicules d’un poids supérieur à 1,6 t. dans le parc francilien, la moitié d’entre eux ne sont pas des « SUV »… En fait, le projet parisien est orthogonal avec le cadre national et européen, qu’il contribue à complexifier de manière ubuesque. Là où les législateurs européens ont clairement privilégié la commercialisation de véhicules 100 % électriques - la loi de finances 2024 les exonérant à ce titre de « malus poids » - la Mairie choisit d’innover en les taxant à partir de 2 t. Compte tenu de la part des SUV dans les véhicules électrifiés, taxer les SUV revient à pénaliser les technologies zéro ou à très faibles émissions pourtant imposées par Bruxelles dans le cadre du « Green Deal ».

De même, là où les véhicules hybrides sont exonérés de « malus poids » jusqu’en 2025 au plan national, Paris veut les assujettir au triplement du tarif de stationnement. Que la Mairie soit rassurée : la loi de finances 2024 avait déjà adopté une hausse très significative des deux malus, « Co2 » et « au poids », en abaissant les seuils - de 1,8 à 1,6 t. pour la masse, soit 9 % des voitures immatriculées contre 2 % l’année précédente. En revanche, là où le Parlement a prévu un abattement de 200 Kg. pour les familles nombreuses sur le malus poids, Paris a tout simplement fait l’impasse…

Enfin, les entreprises franciliennes dont les codes APE ne les rendent pas éligibles à un tarif de stationnement préférentiel subiront une double peine avec ce projet parisien, dont l’une des motivations de poids est probablement budgétaire.

Mais qui va s’y retrouver ?... Sans oublier d’inévitables dérogations dont la liste s’allongera, comment la mesure sera-elle appliquée ?... Et dans d’autres villes, comme à Lyon à partir de 2026, pourquoi d’autres seuils ou exonérations ne seraient-ils pas également proposés, propageant la confusion ?...

Sur le détournement de procédure

La Maire de Paris a donc délibérément choisi de se soustraire aux contraintes auxquelles l’exposait la procédure de référendum local, plus contraignante, mais dont elle savait être la seule adéquate.

En outre, ce projet est explicitement conçu comme un procédé visant à « dissuader » les utilisateurs de ces véhicules de circuler à Paris. Les familles, notamment, n’ont déjà que trop bien compris cette assignation à résidence… Il leur coûterait demain 225 euros pour 6 h. de stationnement au sein des 11 premiers arrondissements ! Elles sont tout simplement bannies.

Comme l’indique la Mairie de Paris, on peut constater une baisse de près de 50 % de la circulation automobile dans la Capitale entre 2002 et 2020 - une tendance confortée par une opération engagée en 2021 de suppression d’environ 70.000 places de stationnement en surface d’ici à la fin de la mandature en 2026. Le paradoxe ? Chacun a la perception inverse, alimentée par une forme de propagande, et surtout par les embouteillages croissants qui placent la Ville des Lumières sur le haut du podium olympique mondial dans la catégorie des plans de déplacement les plus calamiteux.

Quoi qu’il en soit, la Ville revendique utiliser la compétence du Conseil de Paris en matière de modulation des tarifs de stationnement pour un but étranger à cette compétence, à savoir dissuader les automobilistes, qu’ils soient usagers de véhicules thermiques ou électriques.

Or, le Préfet ou le Préfet de police sont seuls titulaires des pouvoirs de police en matière environnementale et de circulation routière. La procédure utilisée est donc un biais pour que la Ville de Paris puisse adopter une mesure de police déguisée alors qu’elle n’en n’a pas la compétence.

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Le 4 février, seuls des Parisiens inscrits sur les listes électorales se déplaceront pour voter, de préférence très motivés : circulation infernale, chaussées dégradées, cohabitation aléatoire et dangereuse des modes de déplacement… tandis que la qualité de l’air dans le métro est elle-même devenue une priorité de santé publique. Dans ce scrutin, on mesurera plus l’état de la participation que le résultat qui ne laisse guère de doute. À l’issue de cette votation, la Maire devrait logiquement proposer au Conseil de Paris la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures « lourdes », délibération susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

Des 2-roues motorisées aux véhicules, on ne manquera pas de contrôler l’allocation des recettes liées à la masse des redevances collectées par une Mairie de Paris aussi désargentée que stationnaire.

On pourrait objecter qu’un aller-retour à Tahiti en classe affaires émet 30 t. de Co2, soit l’équivalent de 10.000 tours du périphérique en voiture. De quoi réfléchir aux solutions en prenant un peu d’altitude car ce cynisme écologique manque de hauteur.

En posant des questions caricaturales, on aura des réponses caricaturales. En appauvrissant le débat, une parodie de consultation n’apportera aucune réponse. Pire, elle va élargir nos fractures territoriales et diviser un peu plus une population déjà confrontée à la simultanéité d’urgences nationales et locales. Sécurité, propreté, ou valorisation de ses commerces, Paris n’en manque pas, et on feint d’oublier, trop souvent, que la mobilité est un puissant facteur de stabilité sociale.

Le réflexe pavlovien de la culpabilisation, de la sur-réglementation, de la sur-taxation est une impasse. « Plus ou moins », c’est de l’approximation là où il faut de la précision pour servir le débat public en éclairant des enjeux exigeants. L’organisation des transports, hyper-complexe, implique d’autant plus une solide concertation et d’autant moins de dogmatisme. L’un des défis ne serait-il pas de viser la bonne densité énergétique pour le bon véhicule, donc moins lourd, moins cher, plus sobre en matières premières, avec une recharge plus rapide ? Oui, c’est l’intérêt collectif. Mais il faut des usines, des bornes, et il faut des clients ! La question de la qualité du cadre de vie est essentielle, en restant indissociable de la soutenabilité économique et de l’inclusion sociale.

Comment peut-on continuer à repousser les problèmes aux portes de Paris en se confinant dans une « cité interdite » ? Comment s’étonner de la montée de l’abstention d’une opinion exaspérée par des textes illisibles et empreints d’un mépris de classe ?

Dans ce contexte soumis à des pressions contraires d’une rare intensité, les acteurs investissent massivement dans la batterie, l’allégement des matériaux et la recyclabilité. Il est temps de faire confiance à la filière, qui ne cesse d’innover, et d’arrêter d’accabler les automobilistes que l’étalement urbain et les prix de l’immobilier ont déplacés en périphérie de nos métropoles.

Les solutions de transports sont aussi diverses que les Français. Perdus dans un dédale d’interdictions, ils sont autant désorientés que contraints dans leurs mobilités, souvent plus subies que choisies. Quitte à choisir, l’automobile s’impose largement. Et, tant qu’à faire, les consommateurs reportent leurs décisions de renouvellement, préférant faire durer un parc de voitures majoritairement thermiques qui n’a jamais été aussi ancien et donc polluant. Tels sont les faits d’une France discrète, qui ne milite pas, et qui encaisse.

Qu’il faille évoluer ne fait guère de doute, à condition de sortir des postures partisanes et des utopies.

Au final, c’est bien la population qui décide, en fonction de ses contraintes, des innovations industrielles et de la cohérence de la stratégie publique. Nouvelles offres de transports et d’infrastructures, combinaison des modes de mobilités, rétrofit, exploitation des datas pour fluidifier, sécuriser, décarboner le débit quotidien des déplacements : il y a beaucoup à faire.

Les gens attendent des solutions pratiques, simples, accessibles et au meilleur prix.

Ils demandent un débat démocratique réaliste, seul à même de rassembler le plus grand nombre.

Madame la Maire, ils auraient aimé qu’un tel débat se tienne place de la concorde.

Mais, pour l’heure, vous en avez encombré les accès.

                                                                                              Xavier HORENT, le 31 janvier 2024