En réaction à la proposition de la Commission européenne présentée hier, relative aux objectifs de baisse des émissions de CO2 des camions, notre branche Véhicules Industriels présidée par Nicolas Lenormant a souhaité souligler la nécessité d’une approche réaliste et d’un plan d’accompagnement pour le secteur.

 

Depuis plusieurs dizaines d’années, la filière de la distribution et de la réparation des véhicules industriels est pleinement impliquée dans la transition énergétique. Ces efforts se sont traduits en premier lieu par une recherche constante de réduction des émissions de dioxyde de carbone des véhicules industriels, puis par la mise en place de dispositifs de réduction des oxydes d’azote et de particules, et enfin par le développement de motorisations alternatives, telles que le BioGNV, le Biodiesel ou la traction électrique.

 

Ces efforts soutenus, qui démontrent l’engagement sans faille de la filière en faveur de la décarbonation des véhicules lourds et du transport routier, ont commencé à porter leurs fruits, dans un contexte pourtant inédit marqué par les crises sociales, sanitaires, énergétiques et de pénurie de semi-composants. Mais un long chemin reste à parcourir pour le secteur, qui nécessite un plan d’accompagnement au niveau européen.

 

 

Verdissement des flottes de poids lourds : la nécessité d’une approche réaliste et pragmatique

 

Alors que la Commission européenne a présenté ce 14 février une proposition de Règlement européen pour l’encadrement des émissions de CO2 des véhicules lourds, intervenant au moment où le Parlement européen débute les discussions sur la norme Euro 7, qui vient également parachever les objectifs de verdissement des flottes inscrits dans le cadre du Fit for 55, Mobilians tient à souligner qu’il est nécessaire de faire preuve de réalisme et de pragmatisme sur les objectifs de décarbonation.

 

Rappelons que la proposition de la Commission européenne s’inscrit dans un contexte dans lequel, à ce jour, 92% des véhicules industriels sont de motorisation diesel, et moins de 1,5% du parc est constitué de véhicules de motorisation électrique, en dépit des mesures de soutien public. L’électrification du parc roulant évoluera de manière très progressive et de façon disparate en fonction des usages de transports – avec en premier lieu le transport en commun de personnes, la collecte des ordures ménagères ou les livraisons dans les ZFE-m.

 

Compte tenu de la très large diversité de la nature et des conditions d’utilisation des véhicules industriels, il semble peu réaliste d’envisager une disparition complète des moteurs thermiques d’ici 2040, comme le propose le Commissaire européen Frans Timmermans. Les objectifs fixés par la proposition de la Commission d’une baisse de 45% en 2030 et de 90% en 2040 seront complexes à atteindre – les appels à projets existants n’étant pas une condition suffisante pour remplir ces objectifs. En effet, le reste à charge sur l’acquisition de véhicules lourds électriques reste trop élevé, les entreprises, et notamment les PME, ne parvenant pas à faire face à de tels investissements.

 

 

Un plan de décarbonation du parc de véhicules lourds doit en outre nécessairement être corrélé à une harmonisation des dispositifs au niveau européen :

 

- Le maillage des infrastructures de recharge ou d’avitaillement correspondant doit être envisagé dans le cadre d’objectifs et d’un cadre européen, ainsi que les modalités et le cadre du soutien public et des aides octroyées pour l’acquisition de véhicules électriques et à motorisation alternative.

- Les dispositifs de fiscalité complémentaire, telle que l’Euro-Vignette et l’Eco-Taxe, doivent être également fixés dans le cadre européen.

- Le cadre réglementaire doit être plus équidistant entre les VUL de moins de 3,5 t et les poids lourds (contrôle technique, limitation de vitesse, tachygraphe, extincteurs, carte de qualification de conducteur, …) afin d’inciter à la massification et au verdissement du transport de marchandises.

- De manière générale, le calendrier et les modalités de mise en place des ZFE-m doit s’envisager également selon un cadre européen, afin d’aligner les Etats membres sur les conditions de restriction de circulation du transport de marchandises et de personnes (plages horaires, nature des véhicules, dérogations octroyées, …).

 

Sur certains segments, tels que ceux des véhicules stratégiques, véhicules de défense, de lutte contre les incendies, de sécurité civile, de dépannage ou de maintenance des réseaux, et notamment en cas de catastrophe naturelle ou de conflit, la possibilité de recours à des carburants liquides ou gazeux bas carbone ou « 0 carbone » semble indispensable. L’intérêt de ces carburants, en particulier ceux utilisables dans des moteurs diesel, est qu’ils permettraient à court terme d’accélérer la décarbonation du parc utilisant le diesel conventionnel en « convertissant » des véhicules déjà en circulation sans attendre leur renouvellement.

 

 

Pour accélérer la décarbonation du secteur, j'attire votre attention sur le fait que la Profession promeut un éventail de solutions complémentaires :

 

- Instaurer une prime à la conversion ou un bonus écologique pour le poids lourd, à l’instar des dispositifs existants pour le véhicule particulier. Les appels à projets existants relatifs aux véhicules industriels restent aujourd’hui complexes à mettre en œuvre, et ne permettent pas de massifier suffisamment la transformation du parc. Il est primordial de mettre en place des dispositifs plus adéquats à l’accélération du renouvellement du parc.

- Faire évoluer la réglementation sur les poids et dimensions des véhicules pour continuer à favoriser la massification du transport des personnes et de marchandises et les performances aérodynamiques des véhicules.

- Mettre en destruction les véhicules de plus de 13 ans, pour limiter la pollution des véhicules les plus anciens.

- Pérenniser les aides à la formation à « l’écoconduite ».

 

 

Un cadre contractuel équilibré entre constructeurs et distributeurs de véhicules industriels, un prérequis indispensable à l’accélération de la décarbonation du secteur:

 

La branche de distribution et de réparation de véhicules industriels, forte de 4 167 entreprises représentant plus de 26 000 emplois en France, a plus que jamais besoin d’un cadre sécurisant les investissements nécessaires à un déploiement plus important et plus rapide de véhicules décarbonés et de leur réseau d’avitaillement ou de recharge.

 

Il est malheureusement à constater que ce cadre est aujourd’hui tout sauf sécurisant. Le nouveau cadre contractuel régissant la distribution et la réparation automobile créé une précarité tout à fait préjudiciable au maintien des investissements dans le domaine de la décarbonation.

 

La profession s’est toujours montrée particulièrement résiliente aux crises traversées, mais pour continuer aujourd’hui à investir, à sécuriser les emplois au sein de la branche des services, et à embaucher massivement des jeunes en apprentissage – rappelons que la branche forme chaque année 70.000 jeunes - il est tout particulièrement nécessaire de pouvoir sécuriser la relation qui lie les distributeurs aux constructeurs sur une durée en relation avec les durées d’amortissement des investissements consentis.

 

La filière de distribution et de réparation des véhicules industriels demande donc instamment de pouvoir bénéficier d’un cadre contractuel équilibré permettant de sécuriser la relation avec les constructeurs. En ce sens, elle soutient la Proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale visant à définir un cadre réglementaire en droit national en la matière, à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays européens, tels que l’Italie, la Belgique ou l’Autriche.

 

Il s’agit, selon nous, d’un prérequis indispensable à la poursuite des objectifs de CO2 fixés par l’Union européenne.

 

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Xavier Horent, Délégué Général / PO. Francis Bartholomé, Président National