Une décision lourde de conséquences, qui aura un coût important pour la collectivité

Réunis en séance plénière ce 8 juin, les députés européens se sont prononcés sur huit propositions du "Paquet Climat" de la Commission européenne, ou "Fit for 55", visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au sein de l'Union européenne d'au moins 55% d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, et à parvenir à la neutralité carbone d'ici à 2050. Au total, le Paquet Climat compte 14 mesures, dont 8 étaient soumises au vote du Parlement européen.

Les eurodéputés ont rejeté le texte-clé du paquet climat prévoyant l'élargissement du marché carbone européen à 2 nouveaux secteurs (transport routier et chauffage résidentiel), le mécanisme d'ajustement des émissions carbone aux frontières, et le fonds social pour le climat. Ces textes doivent repartir en commission parlementaire, afin d’être réétudiés et faire l’objet de nouveaux amendements avant un nouvel examen en séance plénière du Parlement européen.

Les députés européens ont en revanche adopté le Règlement européen prévoyant l'interdiction de vendre au sein de l'Union Européenne des voitures neuves équipées de moteurs thermiques à compter de 2035. Ce texte prévoit une baisse des émissions de CO2 de 20 % pour les voitures neuves et de 15 % pour les utilitaires en 2025 par rapport à 2021, de 55% pour les voitures et de 50 % pour les VUL en 2030, puis 100% pour 2035. Cela signifie concrètement la fin des ventes de véhicules hybrides rechargeables à cette même date. La proposition d'amendement déposée par le Parti Populaire Européen (PPE) - qui proposait une baisse de 90 % au lieu de 100 % - a finalement été rejetée.

Le Règlement européen, suite à la décision du Parlement européen, sera ensuite examiné par le Conseil de l’Union européenne, qui devrait adopter sa position à la fin du mois de juin, avant qu'un consensus ne soit recherché en trilogue courant juillet entre la Commission européenne, le Parlement et le Conseil.

Les débats au Parlement européen ont été extrêmement tendus et nourris sur le choix d’opter pour la fin du véhicule thermique dès 2035, qui sous-tend d’opérer un choix unique et d’imposer une bascule vers des motorisations uniquement électriques. L’Europe sera le seul continent à s’imposer une stratégique unique et un carcan, au lieu d’opter pour une transition progressive, qui serait pourtant plus soutenable, que ce soit pour les usagers eux-mêmes que pour les acteurs de la filière.

 

Des dispositions qui renforceront les inégalités sociales en matière de mobilité, et mettront à mal la souveraineté économique de l’Union européenne

Il est dommageable que le Parlement européen n’ait pas considéré que ce texte pouvait être un outil de transformation historique du secteur en diversifiant les énergies tout en permettant d’accroitre la souveraineté de nos États européens. Ainsi, la possibilité d’intégrer des carburants de synthèse dans le mix-énergétique a été rejeté lors des débats parlementaires. Solution pourtant vertueuse sur le plan environnemental, une telle alternative serait industriellement crédible et permettrait de s’appuyer sur un réseau de distribution existant, sans nécessiter de recréer un réseau d’infrastructures de recharge.

Le choix unique opéré sur la motorisation électrique, c’est aussi le choix d’une mobilité réservée aux plus aisés. Les véhicules électriques sont significativement plus onéreux que leurs équivalents thermiques, et ce, malgré une politique de subventions, et la parité des prix entre véhicules électriques et véhicules thermiques ne sera pas atteinte avant plusieurs années. La forte augmentation du prix de l’électricité – multiplié par plus de 4,5 entre juillet 2020 et juillet 2021, donc avant la crise russo-ukrainienne – et des matières premières « conventionnelles » comme l’aluminium, devrait rendre encore plus insoutenable la facture. Le coût d’une telle réglementation pour la collectivité sera extrêmement élevé. 

L’adoption de ces mesures impose une transformation à marche forcée de tout l’écosystème sans concertation et sans accompagnement. Si le couperet pour le consommateur tombera en 2035, des objectifs intermédiaires ont été fixés en matière de commercialisation (sur les niveaux de CO2 des véhicules neufs : -20% pour les VN et -15 % pour les VUL dès 2025 ; -55 % pour les VP et -50% pour les VUL en 2030). Ces échéances ne reposent sur aucune évaluation de la faisabilité technique dans un calendrier aussi resserré.

Dès lors, il est difficile de ne pas craindre une déstabilisation complète de l’ensemble de la filière, fragilisant d’autant la souveraineté économique européenne au profit des nouveaux acteurs chinois massivement subventionnés – en fermant les yeux sur les conditions de production de ces véhicules et le bilan carbone de véhicules « propres » parcourant des dizaines de milliers de kilomètres.

Il est primordial que l’Union européenne mette en œuvre un plan d’accompagnement et de transformation de la filière, qui permette d’éviter de tirer un trait sur l’un des derniers secteurs d’excellence en Europe, ce qui aggraverait par là-même notre déficit commercial. C’est un véritable « quoiqu’il en coûte » européen et spécifiquement fléché vers les entreprises de la filière automobile – tant de l’industrie que des services - qu’il s’agit de créer, et ce, sans tarder.

Le « Fonds pour une transition juste » prévu pour 2021-2027 par l’Union européenne, particulièrement mal doté, avec 17,5 milliards d’euros sur sept ans, dont moins d’un pour la France, ne constituera pas une réponse suffisante au plan de transformation de la filière. Il est urgent que l’Europe se dote de dispositifs financiers à la hauteur des enjeux et d’un plan de transformation global : transition des activités – à commencer par la distribution d’énergie – évolution des compétences des salariés, transformation de l’outil industriel et serviciel, accélération du déploiement de bornes de recharge dans tous les territoires… Ces nombreux chantiers, d’une ampleur inédite, devront être menés de front pour être à la hauteur de ces enjeux.

 

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